Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/128

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Lorenzo.

Prends garde à toi, Philippe ; celui qui te le dit sait pourquoi il le dit. Prends le chemin que tu voudras, tu auras toujours affaire aux hommes.

Philippe.

Je crois à l’honnêteté des républicains.

Lorenzo.

Je te fais une gageure. Je vais tuer Alexandre ; une fois mon coup fait, si les républicains se comportent comme ils le doivent, il leur sera facile d’établir une république, la plus belle qui ait jamais fleuri sur la terre. Qu’ils aient pour eux le peuple, et tout est dit. Je te gage que ni eux ni le peuple ne feront rien. Tout ce que je te demande, c’est de ne pas t’en mêler ; parle, si tu le veux, mais prends garde à tes paroles, et encore plus à tes actions. Laisse-moi faire mon coup ; tu as les mains pures, et moi, je n’ai rien à perdre.

Philippe.

Fais-le, et tu verras.

Lorenzo.

Soit, — mais souviens-toi de ceci. Vois-tu dans cette petite maison cette famille assemblée autour d’une table ? ne dirait-on pas des hommes ? Ils ont un corps, et une âme dans ce corps. Cependant, s’il me prenait envie d’entrer chez eux, tout seul, comme me voilà, et de poignarder leur fils aîné au milieu d’eux, il n’y aurait pas un couteau de levé sur moi.