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LORENZACCIO.

nouvelles. Il paraît que la Nasi est une belle gaillarde, et que le Martelli est un heureux garçon. C’est une famille bien florentine, celle-là ! Quelle tournure ont tous ces grands seigneurs ! J’avoue que ces fêtes-là me font plaisir, à moi. On est dans son lit bien tranquille, avec un coin de ses rideaux retroussé ; on regarde de temps en temps les lumières qui vont et viennent dans le palais ; on attrape un petit air de danse sans rien payer, et on se dit : Hé ! hé ! ce sont mes étoffes qui dansent, mes belles étoffes du bon Dieu, sur le cher corps de tous ces braves et loyaux seigneurs.

L’orfèvre.

Il en danse plus d’une qui n’est pas payée, voisin ; ce sont celles-là qu’on arrose de vin et qu’on frotte sur les murailles avec le moins de regret. Que les grands seigneurs s’amusent, c’est tout simple, — ils sont nés pour cela ; mais il y a des amusements de plusieurs sortes, entendez-vous ?

Le marchand.

Oui, oui, comme la danse, le cheval, le jeu de paume et tant d’autres. Qu’entendez-vous vous-même, père Mondella ?

L’orfèvre.

Cela suffit ; — je me comprends. — C’est-à-dire que les murailles de tous ces palais-là n’ont jamais mieux prouvé leur solidité. Il leur fallait moins de force pour défendre les aïeux de l’eau du ciel, qu’il ne leur en faut pour soutenir les fils quand ils ont trop pris de leur vin.