Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/159

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La Marquise.

Oui, je le sais : César a vendu son ombre au diable ; cette ombre impériale se promène, affublée d’une robe rouge, sous le nom de Cibo.

Le Cardinal.

Vous êtes la maîtresse d’Alexandre, songez à cela ; et votre secret est entre mes mains.

La Marquise.

Faites-en ce qu’il vous plaira ; nous verrons l’usage qu’un confesseur sait faire de sa conscience.

Le Cardinal.

Vous vous trompez, ce n’est pas par votre confession que je l’ai appris ; je l’ai vu de mes propres yeux : je vous ai vue embrasser le duc. Vous me l’auriez avoué au confessionnal que je pourrais encore en parler sans péché, puisque je l’ai vu hors du confessionnal.

La Marquise.

Eh bien ! après ?

Le Cardinal.

Pourquoi le duc vous quittait-il d’un pas si nonchalant, et en soupirant comme un écolier quand la cloche sonne ? Vous l’avez rassasié de votre patriotisme, qui, comme une fade boisson, se mêle à tous les mets de votre table ; quels livres avez-vous lus, et quelle sotte duègne était donc votre gouvernante, pour que vous ne sachiez pas que la maîtresse d’un roi parle ordinairement d’autre chose que de patriotisme ?