Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/72

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La Marquise.

Parlez toujours ; il n’est pas prouvé que j’en veuille.

Le Cardinal, se levant.

Prenez garde à vous, marquise ! Quand on veut me braver en face, il faut avoir une armure solide et sans défaut ; je ne veux point menacer ; je n’ai pas un mot à vous dire : prenez un autre confesseur.

Il sort.
La Marquise, seule.

Cela est inouï. S’en aller en serrant les poings, les yeux enflammés de colère ! Parler de mains expérimentées, de direction à donner à certaines choses ! Eh mais ! qu’y a-t-il donc ? Qu’il voulût pénétrer mon secret pour en informer mon mari, je le conçois ; mais, si ce n’est pas là son but, que veut-il donc faire de moi ? la maîtresse du duc ? Tout savoir, dit-il, et tout diriger ! cela n’est pas possible ; il y a quelque autre mystère plus sombre et plus inexplicable là-dessous ; Cibo ne ferait pas un pareil métier. Non ! cela est sûr ; je le connais. C’est bon pour Lorenzaccio ; mais lui ! il faut qu’il ait quelque sourde pensée, plus vaste que cela et plus profonde. Ah ! comme les hommes sortent d’eux-mêmes tout à coup après dix ans de silence ! Cela est effrayant.

Maintenant, que ferai-je ? Est-ce que j’aime Alexandre ? Non, je ne l’aime pas, non, assurément ; j’ai dit que non dans ma confession, et je n’ai pas menti, Pourquoi Laurent est-il à Massa ? Pourquoi le duc me presse-t-il ?