Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/85

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de leurs aïeux, et des générations entières sortent de terre l’épée à la main.

Le prieur.

J’ai peut-être eu tort de me souvenir de ce méchant propos et de ce maudit voyage à Montolivet ; mais le moyen d’endurer ces Salviati ?

Philippe.

Ah ! Léon, Léon, je te le demande, qu’y aurait-il de changé pour Louise et pour nous-mêmes, si tu n’avais rien dit à mes enfants ? La vertu d’une Strozzi ne peut-elle oublier un mot d’un Salviati ? L’habitant d’un palais de marbre doit-il savoir les obscénités que la populace écrit sur ses murs ? Qu’importe le propos d’un Julien ? Ma fille en trouvera-t-elle moins un honnête mari ? ses enfants la respecteront-ils moins ? M’en souviendrai-je, moi, son père, en lui donnant le baiser du soir ? Où en sommes-nous, si l’insolence du premier venu tire du fourreau des épées comme les nôtres ? Maintenant tout est perdu ; voilà Pierre furieux de tout ce que tu nous as conté. Il s’est mis en campagne ; il est allé chez les Pazzi. Dieu sait ce qui peut arriver ! Qu’il rencontre Salviati, voilà le sang répandu, le mien, mon sang sur le pavé de Florence ! Ah ! pourquoi suis-je père !

Le prieur.

Si on m’eût rapporté un propos sur ma sœur, quel qu’il fût, j’aurais tourné le dos, et tout aurait été fini là ; mais celui-là m’était adressé ; il était si grossier,