Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/89

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quement l’insulte faite à ma fille ! Mais pourquoi empêcherait-on le mal qui m’arrive, quand je n’ai pas empêché celui qui arrive aux autres, moi qui en avais le pouvoir ? Je me suis courbé sur des livres, et j’ai rêvé pour ma patrie ce que j’admirais dans l’antiquité. Les murs criaient vengeance autour de moi, et je me bouchais les oreilles pour m’enfoncer dans mes méditations ; il a fallu que la tyrannie vînt me frapper au visage pour me faire dire : Agissons ! et ma vengeance a des cheveux gris.

Entrent Pierre, Thomas et François Pazzi.
Pierre.

C’est fait ; Salviati est mort.

Il embrasse sa sœur.
Louise.

Quelle horreur ! tu es couvert de sang.

Pierre.

Nous l’avons attendu au coin de la rue des Archers ; François a arrêté son cheval ; Thomas l’a frappé à la jambe, et moi…

Louise.

Tais-toi ! tais-toi ! tu me fais frémir ; tes yeux sortent de leurs orbites ; tes mains sont hideuses ; tout ton corps tremble, et tu es pâle comme la mort.

Lorenzo, se levant.

Tu es beau, Pierre, tu es grand comme la vengeance.