Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/160

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Et ce monsieur Berthaud, son chapeau sur la tête,
D’un air victorieux promenant sa conquête,
Devant un poulet froid en train de se griser,
M’annonçant bravement qu’il la veut épouser !
J’ai fait là, sur mon âme, une belle trouvaille !
Morbleu ! si de mes jours jamais je m’encanaille,
Je consens… Qu’est-ce donc ? — Ma femme seule ici ?
Elle dort, sauvons-nous. —
Il va pour sortir et s’arrête.
Elle dort, sauvons-nous. —Elle est gentille ainsi.
Que faisait-elle là ? — Dort-elle en conscience ?
Qui sait ? J’en veux un peu faire l’expérience.
Hé, duchesse ! — Elle dort et très profondément.
Je ne suis qu’un mari. — Si j’étais un amant !
En semblable rencontre on pourrait, sans mensonge,
Essayer, comme on dit, de passer pour un songe.
Je ne l’ai jamais vue ainsi ; — mais c’est charmant.
Qu’a-t-elle dans la main ? Sa montre ? Hé, oui vraiment.
Que fait-elle, en dormant, d’une chose pareille ?
On sait l’heure qu’il est, tout au plus, quand on veille.
A-t-elle donc veillé ce soir ? — par quel hasard ?
Il regarde à la montre de la duchesse.
Une heure du matin ! — on prétend que c’est tard.
Veiller ! — Pourquoi veiller ? pour moi ? bon ! quelle idée !
Elle avait de ce bal la tête possédée ;
Son dessein n’était pas de rester à dormir, —
Mais peut-être était-il de me voir revenir ?
Oui ; pourquoi chercherais-je à me tromper moi-même ?