Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faut étudier pour lui plaire, ce n’est pas le carton peint ni les dés, ce sont ses caprices, ce sont ses boutades qu’il faut pressentir, qu’il faut deviner, qu’il faut savoir saisir au vol… Il y a plus de science au fond d’un cornet que n’en a rêvé d’Alembert.

Bettine.

Vous parlez en vrai joueur, marquis. — Est-ce que vous l’avez été ?

Le marquis.

Oui, et joueur assez heureux, parce que j’étais très hardi quand je gagnais, et dès que la fortune me tournait le dos, cela m’ennuyait.

Bettine.

On dit que cette passion-là ne se corrige jamais.

Le marquis.

Bon ! comme les autres. Mais je suis là à bavarder… Je ne voulais que vous baiser la main, et je me sauve, car j’importunerais…

Bettine.

Non, Stéfani, restez, je vous en prie. Puisque vous savez à peu près mes secrets, nous n’en dirons rien, n’est-ce pas ? Et vous me pardonnerez si je suis distraite. — Le chagrin n’est jamais aimable.

Le marquis.

Celui que vous avez est bien mieux que cela : il est estimable, et il vous honore. Je connais des gens qui rendent service comme l’ours de la fable avec son pavé.