Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/356

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Perillo, lui donnant l’écritoire qui est suspendue à sa ceinture.

Très volontiers, monsieur. Pourrais-je, à mon tour, vous adresser une question ? oserais-je vous demander qui vous êtes ?

Minuccio, tout en écrivant.

Je suis poète, monsieur, je fais des vers, et dans ce moment-ci je suis furieux.

Perillo.

Si je vous importune…

Minuccio.

Point du tout ; c’est une chanson que je suis obligé de refaire, parce qu’un charlatan me l’a manquée. D’ordinaire, je ne me charge que de la musique, car je suis joueur de viole, monsieur, et de guitare, à votre service ; vous semblez nouveau à la cour, et vous aurez besoin de moi. Mon métier, à vrai dire, est d’ouvrir les cœurs ; j’ai l’entreprise générale des bouquets et des sérénades, je tiens magasin de flammes et d’ardeurs, d’ivresses et de délires, de flèches et de dards, et autres locutions amoureuses, le tout sur des airs variés ; j’ai un grand fonds de soupirs languissants, de doux reproches, de tendres bouderies, selon les circonstances et le bon plaisir des dames ; j’ai un volume in-folio de brouilles (pour les raccommodements, ils se font sans moi) ; mais les promesses surtout sont innombrables, j’en possède une lieue de long sur parchemin vierge, les majuscules peintes et les oiseaux dorés ; bref, on ne s’aime guère ici que je n’y sois, et on se marie encore