Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/70

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clair, et, quand un vent bien sec leur coupe les oreilles, ils appellent cela une belle gelée. C’est comme qui dirait une belle fluxion de poitrine. Bien obligé de ces beautés-là.

La marquise.

Je suis plus que de votre avis. Il me semble que mon ennui me vient moins de l’air du dehors, tout froid qu’il est, que de celui que les autres respirent. C’est peut-être que nous vieillissons. Je commence à avoir trente ans, et je perds le talent de vivre.

Le comte.

Je n’ai jamais eu ce talent-là, et ce qui m’épouvante, c’est que je le gagne. En prenant des années, on devient plat ou fou, et j’ai une peur atroce de mourir comme un sage.

La marquise.

Sonnez pour qu’on mette une bûche au feu ; votre idée me gèle.

On entend le bruit d’une sonnette au dehors.
Le comte.

Ce n’est pas la peine ; on sonne à la porte, et votre procession arrive.

La marquise.

Voyons quelle sera la bannière, et surtout, tâchez de rester.

Le comte.

Non ; décidément je m’en vais.

La marquise.

Où allez-vous ?