Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/107

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vant dans un transport ; j’ai aimé, j’ai aimé comme un fou, comme un sot. J’ai mérité tout le ridicule que vous voudrez. Mais, par le ciel ! il faut que je vous montre quelque chose qui vous prouvera que je ne suis pas encore si sot que vous croyez.

En disant cela, je frappai du pied la porte vitrée qui céda, et je leur montrai cette fille, qui s’était blottie dans un coin.

— Entrez donc là-dedans, dis-je à Desgenais ; vous qui me trouvez fou d’aimer une femme et qui n’aimez que les filles, ne voyez-vous pas votre suprême sagesse qui traîne par là sur ce fauteuil ? Demandez-lui si ma nuit tout entière s’est passée sous les fenêtres de *** ; elle vous en dira quelque chose. Mais ce n’est pas tout, ajoutai-je, ce n’est pas tout ce que j’ai à vous dire. Vous avez ce soir un souper, demain une partie de campagne ; j’y vais, et croyez-moi, car je ne vous quitte pas d’ici là. Nous ne nous séparerons pas ; nous allons passer la journée ensemble ; vous aurez des fleurets, des cartes, des dés, du punch, ce que vous voudrez ; mais vous ne vous en irez pas. Êtes-vous à moi ? moi à vous ; tope ! J’ai voulu faire de mon cœur le mausolée de mon amour ; mais je jetterai mon amour dans une autre tombe, ô Dieu de justice ! quand je devrais la creuser dans mon cœur.

À ces mots, je me rassis, tandis qu’ils entraient dans le cabinet, et je sentis combien l’indignation qui se soulage peut nous donner de joie. Quant à celui