Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Mélanges de littérature et de critique.djvu/388

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ribles, ces déchirements et ces déchaînements qu’on appelle des révolutions, ne brisent ni les liens de famille ni les robustes amitiés ; mais que font-elles de ces autres liens moins sérieux et si charmants, précisément parce qu’ils sont fragiles ? que font-elles des relations du monde, de cet aimable commerce des esprits, qui, s’il ne remplit pas la vie, sait l’embellir et la faire mieux aimer ?

Je viens de nommer le président Dupaty ; ce serait, en effet, montrer bien peu de respect envers mon honorable prédécesseur, que de ne pas commencer par rendre un juste hommage au nom de son vertueux père, de ce courageux magistrat qui est l’une des gloires du parlement de Bordeaux. Courageux, il le fut sans doute, lorsque, l’un des premiers en France, il osa, devant les supplices, faire parler l’humanité, attaquer hautement des coutumes cruelles, et forcer la justice même à revenir sur ses arrêts. N’ayant pu préserver d’une mort ignominieuse trois malheureux qu’il ne jugeait point coupables, il ne prit point de repos qu’il n’eût effacé ce triste et sanglant souvenir : il fit réhabiliter leur mémoire.

« Venez, s’écrie à ce sujet M. Emmanuel Dupaty dans son poème des Délateurs, venez, défenseurs des Calas ! et toi surtout, mon père ;

J’ai prononcé ton nom : que l’innocence espère !

Puis il ajoute ce vers, qui est si bien de lui :

Un beau trait nous honore encor plus qu’un beau livre.