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Je n’étais alors qu’un modeste employé n’ayant que deux heures par jour, — de quatre à six, — à donner aux devoirs du monde et à mes amis, et travaillant le soir pour tâcher d’acquérir un peu de talent, c’est-à-dire l’indépendance, après laquelle je soupirais. Un soir, j’étais resté dans ma chambre à écrire je ne sais quoi ; mon frère, plus mondain que moi, était sorti ; il ne rentra qu’après minuit, selon son habitude. Entre deux et trois heures du matin, il arrive chez moi, tenant à la main plusieurs feuilles de papier. Il s’assied au pied de mon lit, et commence la lecture de cette scène charmante, où la colère de maître André vient se briser contre le sang-froid de la rusée Jacqueline. — Nous voilà riant aux éclats. — La seconde scène, celle où Clavaroche invente son odieuse machination, fut écrite avant le jour. J’engageai mon frère à penser à la représentation en achevant cette délicieuse comédie. Il me répondit que son siège était fait. « Si quelque théâtre veut s’en accommoder, me dit-il, on trouvera le Chandelier dans la Revue. » Cette pièce y parut, en effet, le 1er novembre 1835, et ce fut au bout de treize ans qu’on se douta qu’elle pouvait être jouée.

Cette fois, les personnages de la comédie étaient imaginaires. Il n’existait pas de ressemblance entre Jacqueline et la femme qui avait, bien innocemment, fourni le sujet de la pièce. Cependant, l’auteur resta vis-à-vis d’elle dans son rôle de Fortunio, quoiqu’il