Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/185

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l’abus des adjectifs[1]. Sous une forme plaisante et légère, cette lettre traitait une question de goût littéraire avec vigueur et netteté ; aussi fit-elle beaucoup de bruit. Stendhal fut enchanté du bon sens de ses pseudonymes ; mais on lui attribuait cet article ; il avait de la peine à se défendre d’en être l’auteur. On lui écrivait de loin pour l’en complimenter. Le secret ne fut pas gardé longtemps. Franz Liszt l’apprit d’une femme à qui le directeur de la Revue l’avait confié, et Liszt se donna le plaisir de le dire à ses nombreux amis.

Une nouvelle désolante se répandit à Paris dans le même temps. Les journaux annonçaient la mort de madame Malibran. Alfred était un de ses admirateurs passionnés[2]. Cette mort prématurée affecta vivement sa sensibilité poétique. Le 15 octobre, il publia ces stances que tant de gens savent par cœur et qu’on entend citer si souvent. L’auteur sentait peut-être en

  1. Alfred de Musset n’a jamais vu la Ferté-sous-Jouarre quoi qu’en aient dit de prétendus biographes qu’on pourrait appeler autrement. Il a choisi cette ville parce que le nom lui en a plu.
  2. Mais il ne fut jamais que son admirateur. Un jour j’entendis, dans un wagon de chemin de fer, des inconnus parler entre eux de mon frère et exprimer le regret que madame Malibran n’eût pas été touchée de l’amour qu’il avait eu pour elle, ce qui, disaient-ils, aurait préservé ce jeune et charmant poète d’un autre amour plus dangereux. Ces contes en l’air se débitaient tout haut, comme des choses de notoriété publique ! Il y a pourtant une légère difficulté : c’est que Alfred de Musset a vu madame Malibran ailleurs que sur la scène une seule fois en sa vie, dans un salon où elle chantait, et qu’il ne lui a pas même parlé.
    P. M.