Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/217

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Ces scrupules me paraissant respectables, je ne plaidai en faveur des travaux en prose qu’au point de vue du budget de l’auteur.

« Regarde, reprit-il, ces deux jeunes filles de génie dont nous suivons les débuts avec tant d’intérêt. Ce ne sont pas elles qui manqueraient à leur vocation. Il n’y a pas d’offre d’argent qui puisse les détourner de leur chemin. Pauline Garcia ne s’engagerait pas à l’Opéra-Comique ; Rachel ne saurait réciter une tirade de mélodrame. Je prétends, comme elles, suivre mon chemin. »

Là-dessus il me lut sa nouvelle de Croisilles, que je trouvai charmante, mais à laquelle manquait évidemment la dernière scène. Cette scène finale était si bien préparée qu’il me semblait impossible d’y renoncer. Après avoir amené la vieille tante de Croisilles en carrosse de louage pour demander au financier la main de sa fille, on ne pouvait pas en rester là. Ne fallait-il pas montrer les grands airs de la vieille dame, le saisissement du père, sa colère s’apaisant, ses idées changeant du noir au blanc, et le bonhomme accordant par vanité ce qu’il avait refusé par orgueil ? C’était une scène de comédie toute tracée, et qui aurait à peine coûté deux heures de travail. Rien ne put déterminer ce méchant garçon à l’écrire. « Non, répondit-il à toutes mes observations, je l’ai décidé ; je n’y reviendrai plus. » — Croisilles parut le 15 février 1839, et, lorsqu’on reprochait à l’auteur la brusquerie