Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/227

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il ne risquera pas de se tromper en pensant que cet incident dut produire une heureuse diversion aux galères de l’intelligence. Ce fut comme un coup de vent qui emporta bien des idées sombres. Cependant le traité avec la Revue n’en existait pas moins, et, une fois rentré chez lui, le galérien sentit le poids du boulet à son pied. Le visage de Félix Bonnaire ne tarda pas à reparaître. Pour lui échapper, Alfred s’enfuit à la campagne chez M. Berryer, où il retrouva sa marraine. Il oublia tous ses ennuis au milieu d’une société charmante et nombreuse. Le directeur de la Revue était trop de ses amis pour exiger à la rigueur et dans le délai prescrit l’accomplissement des conventions faites ; mais il fallait pourtant bien finir par lui donner une satisfaction quelconque.

À son retour du château d’Augerville, Alfred, assailli par le souvenir de ses engagements et incapable de surmonter ses répugnances, demeura dans sa chambre sans vouloir y recevoir personne. Je n’osais lui demander ce qu’il y faisait, et je ne le voyais plus qu’aux heures des repas. Un jour, en sortant de table, il me dit avec une étrange expression d’amertume et de chagrin : « Vous voulez absolument de la prose, eh bien, je vous en donnerai. » Je le priai instamment de me communiquer ses projets. Sa table de travail était couverte de feuilles de papier manuscrites. Il n’y avait point de titre sur la première page, et quand je lui demandai ce que c’était : « Tout