Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/272

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Un matin, il se leva portant sur son visage la devise de Valentine de Milan qu’il aimait à citer souvent ; il semblait, en effet, que rien au monde n’aurait pu le tirer de sa langueur de cœur et d’esprit, quand la chanson du poète Becker lui tomba sous les yeux par hasard. Ce coup d’éperon le réveilla subitement. Le vicomte Delaunay, dans un de ses spirituels feuilletons, s’est amusé à raconter, d’une manière fort piquante, l’origine du Rhin allemand. La seule qualité qui manque à l’historiette, c’est l’exactitude. Tout en est inventé d’un bout à l’autre. Voici maintenant la vérité :

Le 1er juin 1841, nous déjeunions en famille ; on apporta la livraison de la Revue des Deux-Mondes qui contenait la chanson de Becker et la Marseillaise de la paix. Alfred de Musset, voyant des vers de Lamartine au sommaire, courut d’abord à cette page de la brochure. En lisant les six couplets de Becker, dans lesquels, en si peu de mots, se trouvaient tant d’insultes à la France, il fronça quelque peu le sourcil ; mais, en prenant lecture de la réponse, il le fronça bien davantage. Sans doute, il aurait approuvé le sentiment qui avait inspiré la Marseillaise de la paix, si ce morceau eût paru isolément. Convier tous les hommes à se donner la main, sans distinction de races, de noms et de frontières, rien de plus légitime ; cette thèse philosophique en valait bien une autre ; mais répondre à une provocation insolente en