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que, si jamais je reviens au ministère, je me souviendrai de lui. » M. Molé ne revint pas au ministère, mais il n’avait pas oublié les Mie prigioni, lorsque l’auteur vint lui faire sa visite de candidat à l’Académie française.

Le jour où j’arrivai d’Italie, au mois de novembre 1843, Alfred voulut fêter mon retour et m’emmena dîner chez le traiteur, quoique son dîner fût prêt à la maison. Il s’agissait de causer à fond de cette chère Italie dont j’étais encore plus amoureux que lui. Mes souvenirs tout frais réveillaient les siens. Nous en parlâmes à table, et puis le soir au coin du feu, et nous en parlions encore à deux heures après minuit. Le lendemain et les jours suivants il fallut recommencer. Venise surtout était un sujet de conversation inépuisable. Mais, en causant de Florence et du musée Pitti, nous nous arrêtâmes au tableau de la Judith d’Allori, et je rappelai à mon frère que l’histoire singulière de ce bel ouvrage et de son auteur lui avait paru jadis digne d’être racontée par la plume qui avait écrit le Fils du Titien.

On sait que Cristofano Allori, trompé par sa maîtresse, eut l’idée singulière de la représenter sous la figure de Judith et de donner à la tête sanglante d’Holopherne son propre visage. Le soir où mon frère revint sur ce sujet, il y reprit goût jusqu’à vouloir le traiter en vers. Quand nous nous séparâmes, il y rêva tout seul. Pendant la nuit il composa le plan de cet