Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/335

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à l’Institut, vint me prier de faire tous mes efforts pour qu’il ne manquât pas à la séance. Le moment venu, je trouvai mon frère résolu à partir, malgré des palpitations de cœur incessantes qui l’incommodaient extrêmement. Il envoie chercher une voiture ; on n’en trouve pas. La pluie tombait à torrents. L’heure du scrutin allait sonner. Alfred, appuyé sur mon bras, se met en route en dépit du mauvais temps. Il marchait lentement sous les galeries de Rivoli, obligé de reprendre haleine tous les vingt pas. Enfin, au coin de la rue des Pyramides, j’arrêtai une voiture au passage. Il y monta et arriva bien juste à temps pour pouvoir voter. M. Augier l’emporta précisément d’une voix. Mon frère, ranimé par l’air du dehors et par les émotions du vote, triomphant d’ailleurs du succès de son candidat, s’en fut dîner chez le traiteur, et de là au spectacle. Sa gouvernante le gronda de cette imprudence : « Ne vous fâchez pas, répondit-il, ce sera peut-être la dernière ; mon ami Tattet m’appelle, et je crois que j’irai bientôt le rejoindre. »

Tattet, du même âge que lui, venait de mourir, il y avait peu de temps, d’une attaque de goutte.

M. Empis, de l’Académie française, frappé de l’altération des traits de son collègue, m’interrogea sur l’état de sa santé, et me demanda s’il suivait un traitement. Je répondis qu’il ne voulait en suivre aucun, bien qu’il eût un excellent médecin, dont les