Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/363

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une plume qui depuis a servi à écrire quantité de vers et de prose. Je ne saurais dire combien d’autres gracieux hommages la poste aux lettres ou le groom matineux ont ainsi distribués dans Paris, combien d’autres fleurs ont été semées par la muse prodigue. Quant à ces longues causeries, tantôt légères, tantôt profondes, toujours poétiques, originales, pleines d’aperçus curieux, qui nous retenaient, le soir, dans le salon de la marraine jusqu’à des heures approchant du matin, à moins d’avoir un sténographe à gages et de passer les jours et les nuits à en faire des in-folios, il fallait bien les laisser s’évanouir avec l’occasion et l’à-propos qui les avaient fait naître.

Cette prodigalité ne se bornait pas aux choses de l’esprit ; elle se retrouvait dans le caractère de l’homme. Riche ou pauvre, il ne pouvait vivre qu’en grand seigneur. Lorsqu’il donnait sa dernière pièce de cinq francs pour soulager une misère quelconque, c’était d’aussi bon cœur que s’il eût eu les poches pleines. Au Croisic, sur le bord de la mer, il vit, un jour, devant la cabane délabrée d’un pauvre saulnier, une petite fille en haillons qui dormait au soleil, la tête sur une poignée de paille. Il s’approche d’elle, lui pose doucement un louis d’or entre les lèvres, et s’éloigne sur la pointe du pied, tout joyeux de cette espièglerie et du plaisir qui attend l’enfant à son réveil. J’ai lu dans les Mémoires de Lord Byron, si tristement mutilés par Thomas Moore, qu’au moment où les gens d’affaires