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sieurs fois ; nous voulûmes les jouer, comme des comédies.

Nous élevâmes d’abord un édifice oriental, où l’on entrait par un escalier en spirale de vingt marches, au moins, dont la plus basse était un cahier de musique et la plus haute un secrétaire. La porte était un in-folio, qui tournait comme sur des gonds au moyen d’une corde passée dans la reliure à dos brisé. On descendait dans l’intérieur du labyrinthe par une échelle de tapissier, masquée sous les ornements capricieux de l’architecture. L’autre issue du monument pouvait servir de sortie, mais non d’entrée. C’était une longue planche enduite de cire à frotter, aboutissant par une pente rapide à un matelas sur lequel on se laissait glisser, ce qui permettait d’exécuter des fuites précipitées, des voyages aériens d’un grand effet, et l’apparition subite du génie de la lampe merveilleuse. Cette construction représenta tour à tour le palais du calife Aaroun, celui du généreux Aboul-Kasem, le souterrain à la porte de bronze, la grotte d’Ali-Baba, etc.

Bientôt les heures de récréation ne suffirent plus à des plaisirs si vifs ; vainement notre précepteur nous emmenait à l’étude. Il ne réussissait plus à nous tirer des régions fantastiques où nous vivions. Le jeu continuait pendant les leçons, malgré les réprimandes et les punitions. Nous cachions des talismans dans nos poches, et la baguette rouge du Maugraby sortait de