Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dessiné à l’anglaise, plein d’allées tournantes, de massifs épais et de vieux arbres, nous remarquâmes avec bonheur une terrasse en manière de rempart, une longue allée de cerisiers chargés de fruits, et un tertre de rochers artificiels qui semblait élevé par le décorateur de nos comédies orientales. Cette montagne faillit être la cause d’un accident grave. Nous en avions fait dix fois l’escalade, à travers les ronces qui l’encombraient, lorsqu’un jour, Alfred, en y montant, s’accroche d’une main à un rocher qui se détache et roule avec lui jusqu’au bas du tertre. Je le crus tué ; mais il en fut quitte pour une contusion à la jambe et quelques écorchures aux mains. Le duc de Bourbon fut moins heureux. Dans une de nos promenades au milieu des grands bois de Carnelle, nous suivions la chasse à courre. Tout à coup nous entendons dans le taillis un bruit étrange ; une masse noire, qui semblait voler, passe à côté de nous en rasant la terre ; c’était le sanglier ; il se jette sur un cheval qui se cabre et tombe à la renverse avec son cavalier. On emporta le prince évanoui. Il avait plusieurs lésions dangereuses et demeura longtemps au lit ; mais enfin il n’en mourut pas : une autre mort plus terrible lui était réservée à huis clos.

Le séjour des Clignets pour permettait de déployer sur un théâtre plus vaste notre humeur entreprenante. Le docteur Esparron avait dit à notre mère : « Il faut aux enfants du vent, du soleil et de l’exercice. » On