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pris l’importance comme organes de l’opinion publique. Le marquis de Musset avait fait partie de la première Chambre des députés de 1814. Son fils servait dans les gardes du corps du roi, et son gendre dans la compagnie des gardes de Monsieur. Il avait servi lui-même sous l’ancien régime. À dix-huit ans, étant officier au régiment d’Auvergne, il avait attiré par sa bonne mine l’attention de Louis XV, qui l’avait fait sortir des rangs pour le regarder de plus près. Ses petits-neveux n’ont pu admirer en lui que les agréments d’un vieillard ; mais il se tenait encore droit comme un cierge ; il avait le teint d’une fraîcheur remarquable, l’œil à fleur de tête, le nez aquilin, la jambe admirable, et il marchait les pieds en dehors, le jarret tendu, la tête haute, comme s’il eût fait son entrée dans les salons du roi. Ses grands airs, son langage correct, son répertoire d’anecdotes anciennes qu’il racontait fort bien, nous inspiraient une curiosité mêlée de respect.

Le marquis avait eu dans sa vie un chagrin profond aggravé par les remords et dont il ne parlait jamais, quoique le temps et la dévotion l’eussent consolé. Il avait perdu par sa faute un fils aîné de grande espérance. Je me souviens que dans la famille on évitait d’aborder ce sujet de conversation en présence des enfants ; mais nous entendions quelquefois parler en termes obscurs de notre cousin Onésime, de ses belles facultés et de ses heureuses dispositions.