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ne sera pas seulement une preuve de plus à l’appui de ces vérités incontestables ; elle pourra servir à établir cette autre vérité moins rebattue : que les chagrins et la douleur font les grands poètes, — comme Alfred de Musset lui-même l’a dit dans la Nuit de mai.

N’est-il pas évident que les plus belles pages de la Divine Comédie sont dues à l’amertume de l’exil et au ressentiment de Dante pour l’injustice de ses concitoyens ? Peut-être le Misanthrope de Molière n’existerait-il pas si Armande Béjart eût été une épouse honnête et fidèle. Heureux le poète qui trouve, comme Pétrarque, un éternel sujet d’émotions et de plaintes dans la vertu d’une femme douce et compatissante !

Comme ses devanciers, Alfred de Musset a puisé dans l’amour et dans la douleur ses plus belles inspirations. Un instinct secret lui faisait distinguer les êtres dangereux qui devaient soumettre son cœur aux plus dures épreuves. Mais il n’eut pas besoin de courir au-devant de la souffrance ; elle vint le chercher assez souvent pour ne point laisser à sa sensibilité le temps de s’endormir. Chacun