Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/161

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plus. Je sais qui vous êtes, et s’il y a pour moi quelque compassion dans votre cœur, je vous en remercie ; dites un mot ! Ce moment décide de ma vie. » Elle secouait la tête ; je la vis hésiter. « Vous croyez que j’en guérirai ? m’écriai-je ; que Dieu vous laisse cette pensée, si vous me chassez d’ici… » En disant ces mots je regardais l’horizon, et je sentais jusqu’au fond de l’âme une si horrible solitude, à l’idée que j’allais partir, que mon sang se glaçait. Elle me vit debout, les yeux sur elle, attendant qu’elle parlât ; toutes les forces de ma vie étaient suspendues à ses lèvres. « Eh bien ! dit-elle, écoutez-moi. Ce voyage que vous avez fait est une imprudence ; il ne faut pas que ce soit pour moi que vous soyez venu ici ; chargez-vous d’une commission que je vous donnerai pour un ami de ma famille. Si vous trouvez que c’est un peu loin, que ce soit pour vous l’occasion d’une absence qui durera ce que vous voudrez, mais qui ne sera pas trop courte. Quoi que vous en disiez, ajouta-t-elle en souriant, un petit voyage vous calmera. Vous vous arrêterez dans les Vosges, et vous irez jusqu’à Strasbourg. Que dans un mois, dans deux mois, pour mieux dire, vous reveniez me rendre compte de ce dont on vous chargera ; je vous reverrai et vous répondrai mieux. » CHAPITRE IX Je reçus le soir même, de la part de madame Pierson, une lettre à l’adresse de M.R.D., à Strasbourg. Trois