Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/28

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paix ; il s’agissait de laisser les vers et les taupes ronger les monuments de honte, mais de tirer des flancs de la momie une vierge aussi belle que la mère du Rédempteur, l’espérance, amie des opprimés.

Voilà ce que fit le christianisme ; et maintenant, depuis tant d’années, qu’on fait ceux qui l’ont détruit ? Ils ont vu que le pauvre se laissait opprimer par le riche, le faible par le fort, par cette raison qu’ils se disaient : Le riche et le fort m’opprimeront sur la terre ; mais quand ils voudront entrer au paradis, je serai à la porte et je les accuserai au tribunal de Dieu. Ainsi, hélas ! ils prenaient patience.

Les antagonistes du Christ ont donc dit au pauvre : Tu prends patience jusqu’au jour de justice, il n’y a point de justice ; tu attends la vie éternelle pour y réclamer ta vengeance, il n’y a point de vie éternelle ; tu amasses tes larmes et celles de ta famille, les cris de tes enfants et les sanglots de ta femme, pour les porter au pied de Dieu à l’heure de ta mort ; il n’y a point de Dieu.

Alors il est certain que le pauvre a séché ses larmes, qu’il a dit à sa femme de se taire, à ses enfants de venir avec lui, et qu’il s’est redressé sur la glèbe avec la force d’un taureau. Il a dit au riche : Toi qui m’opprimes, tu n’es qu’un homme ; et au prêtre : Toi qui m'as consolé, tu en as menti. C’était justement là ce que voulaient les antagonistes du Christ. Peut-être croyaient-ils faire ainsi le bonheur des hommes, en envoyant le pauvre à la conquête de la liberté.

Mais si le pauvre, ayant bien compris une fois que les prêtres le trompent, que les riches le dérobent, que tous les hommes ont les mêmes droits, que tous les biens sont de ce monde, et que sa misère est impie ; si le