Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/289

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un enfant plaintif et souffrant. Ses yeux se fermèrent ; je l’entourai de mes bras, et elle resta sans mouvement.

Lorsqu’elle reprit connaissance, elle se plaignit d’une extrême langueur et me pria d’une voix tendre de la laisser pour qu’elle se mît au lit. Elle pouvait à peine marcher ; je la portai jusqu’à l’alcôve et la posai doucement sur son lit. Il n’y avait en elle aucune marque de souffrance ; elle se reposait de sa douleur comme d’une fatigue, et ne semblait pas s’en souvenir. Sa nature faible et délicate cédait sans lutter, et, comme elle l’avait dit elle-même, j’avais été plus loin que sa force. Elle tenait ma main dans la sienne ; je l’embrassai ; nos lèvres encore amantes s’unirent comme à notre insu, et, au sortir d’une scène si cruelle, elle s’endormit sur mon cœur en souriant comme au premier jour.


CHAPITRE VI

Brigitte dormait. Muet, immobile, j’étais assis à son chevet. Comme un laboureur, après un orage, compte les épis d’un champ dévasté, ainsi je commençai à descendre en moi-même et à sonder le mal que j’avais fait.

Je n’y eus pas plus tôt pensé que je le jugeai irréparable. Certaines souffrances, par leur excès même, nous avertissent de leur terme, et plus j’éprouvais de honte et de remords, plus je sentais qu’après une telle scène il ne restait qu’à nous dire adieu. Quelque courage que pût avoir Brigitte, elle avait bu jusqu’à la lie la coupe amère de son triste amour ; si je ne voulais la