Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la plus lâche et la plus amère, le rire sans pitié qui crache au visage de la douleur !

Plus je m’enfonçais dans mes pensées, et plus ma colère augmentait. Est-ce de la colère qu’il faut dire ? car je ne sais quel nom porte le sentiment qui m’agitait. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’un besoin désordonné de vengeance finit par prendre le dessus. Et comment me venger d’une femme ? J’aurais payé ce qu’on aurait voulu pour avoir à ma disposition une arme qui pût l’atteindre ; mais quelle arme ? Je n’en avais aucune, pas même celle qu’elle avait employée ; je ne pouvais lui répondre en sa langue.

Tout à coup j’aperçus une ombre derrière le rideau de la porte vitrée ; c’était la créature qui attendait dans le cabinet.

Je l’avais oubliée. « Écoutez, m’écriai-je en me levant dans un transport ; j’ai aimé, j’ai aimé comme un fou, comme un sot. J’ai mérité tout le ridicule que vous voudrez. Mais, par le ciel ! il faut que je vous montre quelque chose qui vous prouvera que je ne suis pas encore si sot que vous croyez. »

En disant cela, je frappai du pied la porte vitrée qui céda, et je leur montrai cette fille qui s’était blottie dans un coin.

« Entrez donc là-dedans, dis-je à Desgenais ; vous qui me trouvez fou d’aimer une femme et qui n’aimez que les filles, ne voyez-vous pas votre suprême sagesse qui traîne par là sur ce fauteuil ? Demandez-lui si ma nuit tout entière s’est passée sous les fenêtres de *** ; elle vous en dira quelque chose. Mais ce n’est pas tout, ajoutai-je, ce n’est pas tout ce que j’ai à vous dire. Vous avez ce soir un souper, demain une partie de campagne ; j’y vais, et croyez-moi, car je ne vous