Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/145

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partir ; cette maison où sa tante était morte lui était odieuse ; il fallut bien des efforts de ma part pour la faire consentir à rester ; j’y parvins enfin. Nous nous répétâmes que nous méprisions les propos du monde, qu’il ne fallait leur céder en rien, ni rien changer à notre vie habituelle.

Je lui jurai que mon amour la consolerait de tous ses chagrins, et elle feignit de l’espérer. Je lui dis que cette circonstance m’avait si bien éclairé sur mes torts, que ma conduite lui prouverait mon repentir, que je voulais chasser de moi comme un fantôme tout le mauvais levain qui restait dans mon cœur, qu’elle n’aurait désormais à souffrir ni de mon orgueil ni de mes caprices ; et ainsi, triste et patiente, toujours suspendue à mon cou, elle obéit à un pur caprice que je prenais moi-même pour un éclair de ma raison.

CHAPITRE V

Un jour, en rentrant au logis, je vis ouverte une petite chambre qu’elle appelait son oratoire ; il n’y avait en effet pour tout meuble qu’un prie-Dieu et un petit autel, avec une croix et quelques vases de fleurs. Du reste, les murs et les rideaux, tout était blanc comme la neige. Elle s’y enfermait quelquefois, mais rarement, depuis que je vivais chez elle.

Je me penchai contre la porte, et je vis Brigitte assise à terre au milieu de fleurs