Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/228

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amis ce qu’on appelle une pleine-eau, à l’école de natation, et nous étions suivis par un bateau où se tenaient deux maîtres-nageurs. C’était au plus fort de l’été ; notre bateau en avait rencontré un autre, en sorte que nous nous trouvions plus de trente sous la grande arche du pont. Tout à coup, au milieu de nous, un jeune homme est pris d’un coup de sang. J’entends un cri et je me retourne. Je vis deux mains qui s’agitaient à la surface de l’eau, puis tout disparut. Nous plongeâmes aussitôt ; ce fut en vain, et, une heure après seulement on parvint à retirer le cadavre engagé sous un train de bois.

L’impression que j’éprouvai tandis que je plongeais dans la rivière ne sortira jamais de ma mémoire. Je regardais de tous côtés, dans les couches d’eau obscures et profondes qui m’enveloppaient avec un sourd murmure. Tant que je pouvais retenir mon haleine, je m’enfonçais toujours plus avant ; puis je revenais