Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/230

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effrayés, en restent vacillants comme des ombres. Quelques créatures, les meilleures peut-être, en meurent aussitôt. Le plus grand nombre oublie, et ainsi tout flotte à la mort.

Mais certains hommes, à coup sûr malheureux, ne reculent ni ne chancellent, ne meurent ni n’oublient ; quand leur tour vient de toucher au malheur, autrement dit à la vérité, ils s’en approchent d’un pas ferme, étendent la main, et, chose horrible ! se prennent d’amour pour le noyé livide qu’ils ont senti au fond des eaux. Ils le saisissent, le palpent, l’étreignent ; les voilà ivres du désir de connaître ; ils ne regardent plus les choses que pour voir à travers ; ils ne font plus que douter et tenter ; ils fouillent le monde comme des espions de Dieu ; leurs pensées s’aiguisent en flèches, et il leur naît un lynx dans les entrailles.

Les débauchés, plus que tous les autres,