Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/63

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et se détacher de moi une mauvaise heure de ma vie passée, à chaque mot qu’elle disait. Je regardais l’astre de l’amour se lever sur mon champ, et il me semblait que j’étais comme un arbre plein de sève, qui secoue au vent ses feuilles sèches pour se revêtir d’une verdure nouvelle.

Elle se mit au piano et me dit qu’elle allait me jouer un air de Stradella. J’aime par-dessus tout la musique sacrée, et ce morceau, qu’elle m’avait déjà chanté, m’avait paru très beau. « Eh bien ! dit-elle quand elle eut fini, vous vous y êtes bien trompé ; l’air est de moi, et je vous en ai fait accroire.

— Il est de vous ?

— Oui, et je vous ai conté qu’il était de Stradella pour voir ce que vous en diriez. Je ne joue jamais ma musique, quand il m’arrive d’en composer ; mais j’ai voulu faire un essai, et vous voyez qu’il m’a réussi, puisque vous en étiez la dupe. »