Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/41

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LES VŒUX STÉRILES
 
Puisque c’est ton métier, misérable poète,
Même en ces temps d’orage, où la bouche est muette,
Tandis que le bras parle, et que la fiction
Disparaît, comme un songe au bruit de l’action;
Puisque c’est ton métier de faire de ton âme
Une prostituée, et que, joie ou douleur,
Tout demande sans cesse à sortir de ton cœur;
Que du moins l’histrion, couvert d’un masque infâme,
N’aille pas, dégradant ta pensée avec lui,
Sur d’ignobles tréteaux la mettre au pilori;
Que nil plan, nul détour, nul voile ne l’ombrage.
Abandonne aux deillards sans force et sans courage
Ce travail d’araignée et tous ces fils honteux
Dont s’entoure en tremblant l’orgueilqui craint les yeux.
Point d’autel, de trépied, point d’arrière aux profanes!
Que ta muse, brisant le luth des courtisanes,
Fasse vibrer sans peur l’air de la liberté;
Qu’elle marche pieds nus connue la Vérité.