Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Qu’ai-je fait? qu’ai-je appris? — Le temps est si rapide!
L’enfant marche joyeux sans songer au chemin;
Il le croit infini, n’en voyant pas la fin.
Tout à coup il rencontre une source limpide,
Il s’arrête, il se penche, il y voit un vieillard.
Que me dirai-je alors? Quand j’aurai fait mes peines,
Quand on m’entendra dire : Hélas ! il est trop tard ;
Quand ce sang, qui bouillonne aujourd’hui dans mes veines,
Et s’irrite en criant contre un lâche repos,
S’arrêtera glacé jusqu’au fond de mes os...
O vieillesse ! à quoi donc sert ton expérience?
Que te sert, spectre vain, de te courber d’avance
Vers le commun tombeau des hommes, si la mort
Se tait en y rentrant, lorsque la vie en sort?
N’existait-il donc pas à cette loterie
Un joueur par le sort assez bien abattu
Pour que, me rencontrant sur le seuil de la vie,
Il me dît en sortant : N’entrez pas, j’ai perdu?
 
Grèce, ô mère des arts ! terre d’idolâtrie,
De mes vœux insensés éternelle patrie,
J’étais né pour ces temps où les fleurs de ton front
Couronnaient dans les mers l’azur de l’Hellespont.
Je suis un citoyen de tes siècles antiques ;
Mon âme, avec l’abeille, erre sous tes portiques.
La langue de ton peuple, ô Grèce ! peut mourir;