Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/67

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Sur le chevet du lit pend cette triste image,
Où Raphaël traînant une famille en deuil,
Dépose l'Homme-Dieu de la croix au cercueil.
Sa mère de ses mains veut couvrir son visage.
Ses bras se sont roidis, et, pour la ranimer,
Ses filles n’ont, hélas! que leur sainte prière...
Ah! blessures du cœur, votre trace est amêre,
Promptes à vous ouvrir, lentes à vous fermer!
 
Ici c’est Géricault et sa palette ardente;
Mais qui peut oublier cette fausse Judith,
Et dans la blanche main d’une perfide amante
La tête qu’en mourant Allori suspendit?

Et plus loin — la clarté d’une lampe sans vie
Agite sur les murs, dans l’ombre appesantie,
Un marbre mutilé. — Père d’un temps nouveau,
Ta mémoire, ô héros, ne sera point troublée!
Ton image se cache, et doit rester voilée
Sur la terre où l’on boit encore à Waterloo...

Les arts, ces dieux amis, fils de la solitude,
Sont rois sous cette voûte ; auprès d’eux l’humble étude
Vient d’un baiser de paix rassurer la douleur;
Et toi surtout, et toi, triste et fidèle amie,
A qui l’infortuné, dans ses nuits d’insomnie,
Dit tout bas ces secrets qui dévorent le cœur,