Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/87

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De ses débiles mains à terre avait glissé.
Le silence régnait dans tout le monastère,
Un silence profond — triste — et que par moment
Sous le rideau du lit courbant son front sévère,
L’étranger immobile écoutait, — regardant ; —
Tantôt il suppliait, — tantôt il ordonnait.
On distingua de loin quelques gestes bizarres,
Accompagnés de mots que nul ne saisissait,
Mais qui, prononcés bas, et de plus en plus rares,
Après quelques instants cessèrent tout à fait.
Au nom de l’ordre saint dont il se disait frère,
Auprès de la malade on l’avait laissé seul...
Sur le bord de la couche il vit pendre un linceul.
— « Trop tard, répéta-t-il, trop tard ! * — et sur la terre
Il tomba tout à coup plein de rage et d’horreur.
 
Hommes, vous qui savez comprendre la douleur.
Gémir, jeter des fleurs, prier sur une tombe.
Pensez-vous quelquefois à ce que doit souffrir
Celui qui voit ainsi l’infortuné qui tombe.
Et lui tend une main qu’il ne peut plus saisir ?
Celui qui sur un lit vient pencher son front blême
Où les nuits sans sommeil ont gravé leur pâleur,
Et là, d’un œil ardent, chercher sur ce qu’il aime,
Comme un signe de vie, un signe de douleiur ;
Qui, suspendant son âme à cette âme adorée,
S’attache à ce rameau qui va l’abandonner ;