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PREMIÈRES POÉSIES.

Autrefois ignoréi mais content de son sort.
Il marcha sur les pas de ceux à qui la mort
RéTèle les secrets de l’être et de la vie.
Incliné sous’ sa lampe, infatigable amant
D’une science aride et longtemps poursuivie,
On le voyait, la nuit, écrire assidûment ;
Ou quelquefois encor, quand Tastre au front d’albâtre
Efface les rayons de son disque incertain,
Il osait, oubliant sa tâche opiniâtre.
Étudier les lois de ces mondes sans Gn,
Flots d’une mer de feu sur nos fronts balancée,
Et que n’ont pu compter ni l’œil ni la pensée !...

Mais, hélas ! que de jours, que de longs jours passés,
Ont vu depuis ce temps ses travaux délaissés I
Renfermé dans les murs où mourut son vieux père,
Depuis plus de deux ans, sous son toit solitaire
Il vit seul, loin des yeux, "— heureux, — car ses amis,
En calculant les jours, n’ont point compté les nuits.
Pcut-ôtre en se cachant voulait-il le silence...
Qui savait ses projets ? — Nul ne connaît celui
Qui le fait sur le seuil demeurer aujourd’hui.

Mois la nuit à grands pas sur la terre s’avance,
Et les ombres déjà, que le vent fait frémir,
Sur le sol obscurci semblent se réunir.
Le repos par degrés s’étend sur les campagnes ;
L’astre baisse, — il s’arrête au sommet des montagues,
Jette un dernier regard aux cimes des forêts,
Et meurt. — Les nuits d’hiver suivent les soirs de près.