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LES SYSTÈMES IDÉALISTES

imitée, mais de nous faire imaginer que nous la voyons. C’est là qu’intervient le travail psychique de celui qui contemple. L’action de l’art reste nulle si nous manquons de sentiment ou d’imagination ; « c’est à nous d’aider le pouvoir de l’illusion sur nous. Car, lorsque l’art a produit dans ses ressemblances la perfection qui doit suppléer à leur insuffisance, c’est encore à nous, c’est-à-dire à notre imagination, à notre sensibilité, qu’il appartient de réaliser l’image et d’en rachever les traits » (1).

Le plaisir, seul but de l’art, découle : 1° du rapprochement et de la comparaison de l’imitation artistique avec l’objet imité, et 2° du travail d’achèvement que fait notre esprit. Ainsi, la copie fidèle d’un objet ne procure absolument aucun plaisir artistique.

Arrivé à ce point de son analyse, Quatremère de Quincy s’occupe du but de l’imitation dans les beaux-arts. Le but de l’art est le plaisir, non des sens, mais de l’esprit, « autrement dit celui que procure l’intelligence ou l’imagination » (2). Pour arriver à plaire, l’artiste de génie doit chercher l’universel et. le général ; il doit réaliser dans son œuvre l’idéal. Ainsi donc, le but de l’imitation est l’idéal.

L’étude de l’idéal occupe la plus grande partie de V Essai sur l’imitation et YEssai sur l’idéal tout entier (3). C’est le côté le moins intéressant de l’œuvre de Q. de Quincy et celui.qui avoisine le plus des idées de Victor Cousin.

Q. de Quincy défend, contre les romantiques, le classicisme et essaie d’implanter en France la doctrine de Winckelmann (4), qui n’est autre, en somme, qu’une réédition de l’idéalisme platonicien. Ce sont, avant tout, des idées artistiques et non esthétiques ; des idées polémiques et non purement spéculatives ; et, il faut l’avouer, des théories qui s’accommodent fort mal avec les thèses que nous venons d’exposer. Ces idées peuvent se résumer en quelques mots : l’artiste doit poursuivre l’idéal qui est le général et l’universel, et fuir l’individuel — et pour l’atteindre il y a deux moyens : la généralisation et la transposition. La généralisation : « Généraliser, en fait d’imitation, c’est représenter un objet, non pas seulement dans ce qui en est l’ensemble, mais bien plutôt dans le caractère

(1) Loc. cit., p. 132. (2) Loc. cit., p. 176. (3) Hssai sur l’idéal, etc., 1805, 1837. (4) Consulter : R. Schneider, l’Esthétique classique chez Quatremère de Quincy. Paris, 1910 (étude fort intéressante).