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AUGUSTE COMTE

développement préalable de toutes les sciences fondamentales, sur lesquelles elle reposerait (1) ; — en cela l’auteur est fidèle à sa célèbre classification des sciences ; mais, en caractérisant les diverses phases de développement par où l’humanité a passé, Comte s’arrête, chaque fois, à l’art, pour noler l’évolution de l’essor esthétique.

Les premiers essais de tous les beaux-arts, sans en excepter la poésie, remontent incontestablement jusqu’à l’âge du fétichisme (2). Cette conception religieuse, qui animait la nature entière, devait tendre à favoriser éminemment l’essor spontané de l’imagination. Les facultés esthétiques se rapportent surtout à la vie affective ; pp, à l’état de fétichisme, état où l’on transportait à tous les corps extérieurs notre sentiment fondamental de la vie, on constate une prépondérance générale de la vie affective. Telle semble être la raison pour laquelle le fétichisme favorisa les beaux-arts, et surtout la poésie et la musique, premiers arts, selon Comte.

Mais l’âge d’or, pour les beaux-arts, fut l’état du polythéisme. Le polythéisme, en effet, a imprimé un admirable essor à l’ensemble des beaux arts. Il ne faut pas pourtant croire que, dans la société antique, les arts jouaient un rôle trop prépondérant. « Dans tous les degrés de la vie sauvage, il est aisé de reconnaître que la puissance sociale de la poésie et des autres beaux-arts, quelque considérable qu’elle puisse être, demeure toujours nécessairement secondaire envers l’influence théologique, qu’elle peut utilement aider, et dont elle doit être hautement protégée, mais sans jamais pouvoir la dominer » (3). Les arts donc étaient au second plan, soumis à l’empire théologique, car, soit pour l’individu, soit pour l’espèce, jamais les facultés d’expression n’ont pu dominer directement les facultés de conception, auxquelles leur nature propre les subordonne toujours nécessairement.

Quelles sont les raisons qui ont fait la prospérité des arts pendant l’âge du polythéisme ? Tout d’abord, le passage du sentiment à l’imagination. Tandis que dans le fétichisme, le sentiment est prédominant, comme nous l’avons dit, dans l’état polythéique, c’est l’imagination qui règne ; or, l’évolution esthétique de l’homme dépend de l’imagination. En second lieu, à cet âge, la fonction

(1) Cours, vol. I, p. 55-56. Nous employons la 2’édition, 186t. J. B. Baillière et 01s, Paris.

(2) Ibid., vol. V, p. 51.

(3) Ibid., vol. V, p. 99.