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LA RENAISSANCE.

ordonnés. Il n’est pas moins indispensable d’apprécier la source et la nature des idées qui se sont produites pour la défense de l’ordre établi dans la société chrétienne, et en même temps des idées mises en opposition avec— cet ordre.

Des investigations de ce genre ne seront pas sans fruit pour ceux qui s’y livreront avec persévérance et avec droiture ; ils en retireront un attachement plus fort aux croyances fondamentales du christianisme, à ses préceptes et à ses institutions qui ont subi l’épreuve de dix-neuf siècles. Mais ils y apprendront à ne point imputer aux principes les fautes des hommes, à toujours séparer les grandes causes de la religion, de la morale, de la science, de la justice sociale, des intérêts et des passions auxquels chaque époque s’obstine à les lier. Quand ils liront les annales du xvie siècle dans les monuments originaux, ils ne sauront lui dénier quelque grandeur dans ses entreprises. Mais s’ils aperçoivent qu’il s’y est mêlé presque toujours un esprit de frivolité et d’intrigue, d’orgueil et de hardiesse, ils découvriront d’autant mieux ce que valent les notions essentielles d’autorité pour sauvegarder la liberté et la dignité humaine. Ils s’approprieront en toute justice le mot que prononçait naguère M. Guizot en parlant des enseignements de l’histoire et de la vie[1] : « Plus j’ai pénétré dans l’intelligence et dans l’expérience des choses, des hommes et de moi-même, plus j’ai senti en même temps mes convictions générales s’affermir et mes impressions personelles se calmer et s’adoucir ».

D’autres ont démontré habilement en divers écrits l’influence et les succès véritables de la Renaissance dans l’Europe occidentale. Notre plan est plus restreint : nous avons avant tout le désir de mettre en lumière la part de travail échue à la Belgique dans un siècle fameux qui fut pour elle un temps à la fois de grandeur et de souffrance. Les troubles qui bouleversèrent les Pays-Bas à plus d’une époque sont assez connus ; mais nous nous arrêterons quelque peu à

  1. Discours à l’Académie française (Réception de M. de Montalembert, le 5 février 1852).