Page:NRF 13.djvu/425

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

JOURNAL SANS DATES 417

— Ces derniers temps de prison, je ne pouvais presque plus manger... par contraction nerveuse, et tenez, mon menton... A ma sortie de prison, ma femme m'attendait ; pendant une demi-heure je suis resté sans pouvoir lui parler, contracté, sans pouvoir articuler une parole...

La fatigue à la fois et la surtension de tous ses traits, le tremblement de ses muscles.

— Mais à présent j'ai absolument besoin de parler. En Allemagne je ne peux plus parler à personne ; c'est à vous que j'ai besoin de parler ; à ma femme ce n'est pas la même chose. Quand je lui ai dit mon intention d'aller vous voir, elle m'a approuvé ; m'a tout de suite dit que je devais partir. Je serais même venu plus tôt, mais, avant de partir, j'ai voulu essayer de parler, de m'ex- pliquer avec l'ami qui... avec celui... enfin...

— Qui vous a fait condamner.

— Oui, n'est-ce pas? Je savais bien que, si je lui avais demandé cette somme, il me l'aurait donnée tout de suite ; mais... il n'a pas compris pourquoi j'avais agi ainsi... Je voulais lui expliquer... oh! non pas pourquoi je... mais qu'il n'auirait pas dû exiger cette condamnation... parce que, en cinq ans je savais que je pourrais payer toute ma dette ; mais à condition qu'on me laisse de quoi vivre d'ici là.

— Et qu'a-t-il répondu ?

— Il a sonné son domestique pour me faire mettre à la porte.

Un silence ; il reprend avec un peu plus d'animation :

— Oui, en cinq ans, je sais que je pourrais tout payer, avec mes traductions et mes livres ; mais ils ont mis inter- diction sur tout ce qui pouvait me rapporter. Je suis forcé maintenant de faire paraître sous la signature de ma femme

37

�� �