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avec raison une des pièces maîtresses de son esprit. Taine vérifie sur un Flaubert ce qu’il avait déjà signalé à la fin de son étude sur Lord Byron comme une fatalité propre à l’artiste moderne, à savoir qu’un tel mode de création détruit infailliblement l’écrivain qui s’y livre ; et il se détourne alors d’un péril dont, à un moment, il s’était senti lui-même menacé, mais il se détourne tout en admirant, et s’il se persuadait que les conditions de travail fussent susceptibles de modification, sans doute ne se détournerait-il pas. Voici d’ailleurs, à cet égard, le texte capital. Il vient Me dire que son idée fondamentale a été « de peindre l’homme à la façon des artistes et en même temps de le construire à la façon des raisonneurs », et il ajoute : « L’idée est vraie; de plus, quand on peut la mettre à exécution, elle produit des effets puissants, je lui dois mon succès ; mais elle démonte le cerveau, et il ne faut pas se détruire. »

Mérimée, lui, se détourne, mais sans admiration. C’est qu’en plus des mille différences palpables qui les séparent, ces deux hommes, dans la région même des dons, par les obscures racines de leurs facultés, étaient aussi loin que possible l’un de l’autre. Chez Taine, la faculté artistique était beaucoup moins spontanée qu’inlassablement conquise, héroïquement obtenue, et ainsi qu’il advient parfois, il contemplait, non sans nostalgie, dans ces possibilités qui s’ouvrent devant la richesse et la générosité de dons de l’artiste plastique, des mondes relativement interdits. Chez Mérimée le don de l’artiste littéraire, — de l’artiste littéraire pur — était au contraire inné, mais comme nonchalant. Il en