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5^2 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

V

Le soir. Madame Pincengrain — quand on s'est tu longtemps, à cause de la fatigue que dispensent le bruit et la laideur, — demande à sa fille ce qui peut lui plaire en Godichon.

— « Il est plus petit que son frère, dit Prisca, plus laid, plus sot, moins aimé. Sa mère vient pour le marier; elle ne parle que de l'autre. Tout le temps qu'il ma conté parallèlement les avantages de son cadet et ses propres disgrâces, j'ai haï son frère, et quand il a pleuré pour le mépris qu'il allait soulever en moi, je l'ai aimé. Je l'aime pour tout ce dont Dieu l'a privé et aussi parce qu'il vous a déplu et qu'il en a souffert, — pour toute la misère immense que peut porter au monde un petit être rose et blanc, comme Godichon, — et surtout parce qu'il est digne déjà que vous l'aimiez un jour, plus tard, iquand il sera trop tard. »

Madame Pincengrain se tait.

Elle pense à une autre misère plus matérielle. Madame Godichon est peut-être fée plus riche que ridicule. Admirable est le traitement de son fils. Quand Madame Pincengrain s'en réjouit, elle ne songe pas à elle-même. Elle songe à Prisca et à ses deux filles — les tristes — qui seront peut-être gardées, par Godichon, de la faim.

VI

Le jour du mariage de Prisca est proche. Mesdames Pincengrain qui ne veulent pas donner en spectacle leur

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