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794 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Lorsque je rentrai en Allemagne, et que je revis les intellectuels que je connaissais d'avant la guerre, le nom qui revenait sans cesse dans leur conversation était celui de M. Spengler. Il v a une façon de vous demander si vous avez lu un livre, qui équivaut à vous dire que dans le cas — tout à fait invraisemblable d'ailleurs, — où vous ne l'auriez pas lu, vous ignorez à peu près tout. C'est ainsi que je fus questionné au sujet du livre de M. Spen- gler : Der Uiitergang des Ahendlaudes. Je lus donc le livre avec curiosité, et voici ce que j'ai cru v trouver de plus frappant.

M. Spengler nous dit que chaque civilisation a son enfance, sa jeunesse, son âge viril et sa période de vieil- lesse. L'histoire d'une civilisation est une biographie. Tout comme l'évolution de l'homme celle des différentes civilisations obéit à de certaines lois, et présente à certains moments les mêmes phénomènes. Ayant connu un certain nombre de personnes de différents âges, il vous sera facile de préciser l'âge de toute personne que vous rencontrerez par la suite. Il en sera de même pour les civilisations. En les comparant entre elles, il vous sera possible de préciser le « moment historique », l'étape à laquelle elles sont arrivées. Appliquons ceci à notre civilisation occidentale. Notre époque, vous dira M. Spengler, ressemble étrangement à ce que nous savons de la décadence des Egyptiens, des Arabes, des Chinois et surtout des Romains. Mais pour- quoi les civilisations meurent-elles ? L'histoire d'une civili- sation n'étant que le développement successif des possibilités qu'elle renferme, ces possibilités une fois épuisées, elle s'anéantit. Et si nous nous obsers'ons bien, ne sentons- nous pas en nous les symptômes de la vieillesse ? C'est le cerveau qui règne chez nous, et non plus l'âme. On est devenu conscient en tout, et on fait de la science de tout ; on constate les faits, et la vie elle-même est de-

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