Page:NRF 17.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

132 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de cette phrase du livre : « Je l'aimerais ! moi, malheu- reux », cette indication manuscrite : « Essayer de faire deviner l'impuissance, mettre ici : et comment en serais-je aimé. » (p. 51.)

Et plus loin (p. 87) après : « Il avait ce sentiment (l'amour) en horreur » : « îl s'était juré mille fois depuis quatre ans que jamais il n'aimerait. Cette obligation de ne pas aimer était la base de toute sa conduite et la grande affaire de sa vie. »

Ainsi l'impuissance d'Octave n'est jamais précisément dénoncée ; sous-entendue sans cesse, elle provoque chez le héros telle attitude et tels gestes qui ne sont explicables qu'en la présupposant. Faire deviner cette impuissance est, pourrait-on dire, la proposition même du livre et je n'en connais pas qui demande du lecteur une collaboration plus subtile ; à vrai dire, ce n'est qu'une fois renseigné et qu'en le relisant que l'on comprend la pleine signifi- cation de certaines indications, où d'abord l'on n'entendait pas malice '; de cette épigraphe de Marlowe, par exemple, placée en tête du deuxième chapitre :

« Melancholy mark'd hini for her own, whose ambitious heart overates (sic) the happiness he cannot enjoy »,

que traduit presque textuellement, au chapitre suivant, cette remarque : « Une imagination passionnée le portait à s'exagérer le bonheur dont il ne pouvait jouir » — phrase exquise, mais qui pourrait convenir aussi bien à tout être de disposition un peu romantique ; et si^ s'ap- pliquant à Octave, elle prend un sens plus concret, plus précis, nous n'en sommes pas d'abord avertis '. De même,

I . « Dominé par une mélancolie profonde el surtout sans confident (Stendhal avait d'abord écrit, puis biffé : dont personne n'avait le secret) — Octave semblait misanthrope avant l'âge. Comme il ne pouvait songer à certain bonheur qu'il se figurait extrême, son imagination ne voyait plus dans la vie aucun plaisir, ni rien qui lui semblât valoir la peine de vivre », — lisons-nous sur une interfeuille.

�� �