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MADAME DE NOAILLES 3O7

nante^ elle est exposée à en rencontrer de bizarres ou d'ex- travagantes :

La mémoire assoupie, en d'insurgés sursauts

Parfois s'éveille et bouge. Et pareille aux fraisiers, va jetant ses arceaux

Et portant des fruits rouges .

Mais pour être juste il faut reconnaître que de tels vers sont rares dans son œuvre. La redondance et la banalité même n'y manquent en général ni d'harmonie, ni, à défaut de rythme profond, d'un certain mouvement oratoire. Je ne suis pas de ceux qui prennent ce mot en mauvaise part ; aussi lorsqu'il arrive à M"^^ de Noailles d'éprouver par aventure, non la douceur d'une feuille ou d'une épaule, ou l'ivresse d'une odeur, mais un sentiment humain, elle atteint à la véritable éloquence, comme dans Les Cam- pagnes ' ;

pauvreté profonde et chaste des campagnes. Fatigue des corps las qui se coucJietit le soir Silence de la vie aride qti' accompagnent Le sifflement des faux et le bruit des pressoirs...

Mon âme, voye:(-les ces marins de la terre Dans la houle des blés soulevés ce matin...

Il faut du reste observer que la pitié de M"^ de Noailles est toute romantique. Elle plaint naïvement tous ceux qui sont occupés à tous autres travaux que ceux de l'amour, des villégiatures excitantes et des méditations dans les jar- dins. C'est cette espèce de naïveté féminine et même pué- rile qui donne à son lyrisme un accent personnel, alors même qu'elle reprend presque mot à mot un thème baude- lairien, comme dans ce Dialogue marin :

Et la mer dit : je vois par les jours et les nuits...

... L'amour cruel et doux... ... Toujours, d'un bord du monde à l'autre, le désir,

L'appel et la conquête,

i. L'Ombre des jours, p. 137.

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