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330 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

timents qu'ils représentent. Le sens allégorique répond aux incidents du voyage et aux lieux traversés, exactement et trait pour trait, comme la ligne de la mer à celle de ses rivages. Mais, dans le vo3^age symboliste, l'allégorie reste à l'état de tendance et de direction, ne passe pas à une réalité matérielle. Le sym- bole n'est pas un décalque, mais une substance poétique qui vit aussi par elle-même, avec spontanéité et gratuité.

Et surtout le voyage symboliste comporte un sujet déterminé, toujours le même ; il rappellerait le Pèlerin de Bunyan plutôt que le Roman de la Rose ou le Tendre : c'est un voyage du poète à l'intérieur de lui-même. Le symbolisme s'est développé à l'ombre du mythe de Narcisse, que des accointances avec le Parnasse lui faisaient appeler parfois Narkissos. Le Voyage d'Urien tenait par bien des côtés au Traité de Narcisse, en gar- dait l'illustration, le décor. Rémy de Gourmont ne se trompait pas lorsqu'il voyait dans l'idéalisme la philosophie propre de la littérature symboliste, comme le scientisme avait été la philo- sophie de la littérature, naturaliste, comme le bergsonisme est, selon M. Benda, la philosophie de la littérature belphégoriste.

Mais ce voyage intérieur qui, dans les dernières années du xix« siècle, fournit leurs thèmes principaux aux poètes et aux prosateurs symbolistes, nous en voyons à présent les parties artificielles. Quand parut Couronne de Clarté, M. Maeterlinck écrivit dans le Mercure, très sincèrement sans doute, que cela lui paraissait un des plus beaux livres qui eussent jamais été écrits. Si quelqu'un en disait autant aujourd'hui, M. Mauclair y verrait probablement une mauvaise plaisanterie. Pareillement le Voyage d'Urien, qui émerveilla autrefois tant de jeunes gens, est aujourd'hui le moins lu des ouvrages d'André Gide, le plus indifférent au gros de ses lecteurs. Il occupe dans son oeuvre cette place en porte-à-faux que tient VEnnemi des Lois dans l'œuvre de M. Barrés. Il intéresse d'ailleurs d'autant plus l'his- torien, à qui il plaît de voir seulement dans une œuvre sa fonction dans une suite littéraire ou son rôle dans le dévelop- pement d'un écrivain. De ce point de vue il forme entre André Waltcr, Paludes, les Nourritures, le deuxième de quatre degrés qui se suivent très régulièrement.

Mais, du point de vue de l'art. Couronne de Clarté et le Voyage d'Urien nous paraissent aujourd'hui des mondes morts

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