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ses conclusions. Que le nihilisme de Barrés ait été de qualité médiocre puisqu’il n’a pu y conformer sa vie, c’est l’évidence. Cela ne concerne que lui et ne nous a jamais désillusionnés. Nous goûtâmes chez Maurrice Barrés une curieuse méthode jésuite appliquée à la négation, sans plus ; pour un système philosophique, ce ne fut jamais à lui que nous nous adressâmes, mais aux Russes et à l'Extrême-Orient. Que Barrés soit revenu à l’action ne porte aucun préjudice au nihilisme en soi, qui continue d’être le plus puissant tonique et la forme la plus élevée de l’élan vital. Les jeunes accusateurs qui veulent sympathiquement reprendre l’expérience et la continuer jusqu’au bout peuvent aller de l’avant sans s’arrêter à condamner. « Barrés n’a jamais été un homme libre », disent-ils. C’est bien possible, mais nous serions tentés de conclure avec la défense : « ce n’est pas sa faute ». A leur tour, d’essayer leurs forces et de tâcher de passer « de la certitude au doute et du doute à la négation, sans v perdre toute valeur morale » ’. Pour revenir à Jean Cocteau, qui, à notre regret, s’est imposé de faire court, on lira avec grand amusement ces huit minutes chez M. Barrés. Ce qui choquait les Dadas, c’est la double personnalité de Barrés. Ce qui agace Jean Cocteau, c’est le jardin de Bérénice. Il en résulte d’heureuses formules : « le voyage à Sparte est un voyage d’amour à trois. Mais de la Grèce ou de la Lorraine qui porte la chandelle ?» ; de justes remarques : « Barrés parle beaucoup d’ausculter, de consulter, de méditer... mais cela finit toujours par une rêverie à la porte » ; une exacte topographie : « cet esthétisme... cette gauche de droite que Barrés exploita toujours... » ; d’excellentes notations psychologiques : « la profonde mélancolie de Barrés de n’être pas poète... ». Enfin ce jugement rigoureux : « Barrés s'arrange... on ne s'arrange pas », par lequel Jean Cocteau et les Dadas (que je m’excuse de réunir ici) terminent leur réquisitoire.

paul morand

I. On pourrait d’ailleurs, sans sophisme, démontrer que dans la deuxième partie de son œuvre Maurice Barrés continue à être destructif. Qu’on songe où le stérile culte des morts a mené la Chine. A quelle catastrophe ne conduirait pas un nationalisme tel que le veut l'auteur ?