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KOTES 373

est d'un trait aussi ferme et aussi intellectuel que les composi- tions de M. André Gide, et ce n'est pas là un mince triomphe. Avec un sens très sûr du comique, M. Scott traite un sujet con- ventionnel ; il dépeint la démoralisation d'un foyer où la jeune femme a reçu sa mère en visite. Il suit avec une précision froide et distante, qui est plus latine qu'anglo-saxonne, les facteurs qu'il a mis en œuvre. A vrai dire, sa belle- mère fait penser à des créations, plus riches sans doute, mais non pas plus justes, de la comédie française : Harpa- gon et Tartuffe. M. Scott n'élève pas la voix. Il n'a pas recours à une crise toute extérieure. A la façon du compositeur qui agence les voix d'une fugue, il tient la bride à tous ses person- nages jusqu'à la catastrophe finale. Il a écrit un livre remar- quable. Et il y a prouvé que nos provinces sont enfin assez mûres pour donner naissance au virus d'un art raffiné, lente- ment destructeur. La GrancTRue, c'est l'assaut d'un esprit roman- tique et blessé ; il y a du lyrisme dans cette charge contre la grossièreté de l'informe masse américaine. Souris aveugles, avec moins d'ampleur, s'enfonce beaucoup plus avant dans cette masse, et en tire les formes d'une pure comédie, par le seul effort créateur d'un esprit qui est blessé mais qui fonctionne juste. L'art de M. Lewis est inconscient ; il est en passant, et par surcroît. M. Scott veut être artiste ; mais l'attaque va de soi quand un homme a l'intelligence et la sensibilité.

Les «catalogues » marquent toutefois un progrès. Le savoir- faire vient à nos romanciers et à nos poètes. Il est certain que l'Angleterre, au cours de la génération précédente, a eu vingt romanciers contre un des nôtres, qui savaient leur métier. Il est non moins certain que, dans le chaos actuel de forces mal disciplinées, l'Amérique fait preuve d'une plus grande origina- lité. Or, pourquoi cet effort créateur n'aboutirait-il pas enfin à un style, s'il est bien vrai que le style, l'art d'écrire, doive se substituer à notre façon actuelle de suivre notre humeur et notre penchant ? La bataille, toutefois, est à peine livrée. Si le Belphégor de Julien Benda n'était pas écrit d'un point de vue si strictement français, je voudrais qu'il se répandît parmi nos soi- disant artistes. Car le mythe est encore tenace parmi nous qu'en matière d'art, la science exclut l'excellence. La formule pseudo-bergsonienne est celle-ci : « Un homme qui sait peindre,

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