Page:NRF 17.djvu/452

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

44^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAI E

jamais eu de force armée, de garde sénatoriale pour se défendre,, ressemblait à un mollusque sans coquille entre des crabes. Dans la Rome impériale comme dans l'Angleterre de Cromwell et la France du i8 brumaire et du 2 décembre, les crabes ont tou- ours ce qu'il faut pour réduire au moins le mollusque à l'état de croupion. Les exécutions comme celles de Septime Sévère faisaient depuis Caligula et Néron partie des risques profession- nels de l'état de sénateur. Et surtout, de Septime Sévère à Dioclétien, ce n'est pas la déchéance du Sénat qui cause tant de maux, c'est ce fait qu'il est remplacé par un pouvoir infé- rieur, par une stratocratie, laquelle d'ailleurs tenait déjà assez de place dans les massacres d'empereurs et les changements de dynasties antérieurs aux Antonins, Or les soldats à cette époque ne se recrutent presque plus parmi les Italiens, mais parmi les provinciaux et les barbares, de sorte que la puissance de cette stratocratie se confond avec l'envahissement graduel de Rome par des éléments de moins en moins romains. La dernière phase de l'histoire ancienne c'est la romanisation du monde méditerranéen. Ce qu'on peut appeler le com- mencement de l'histoire du moyen-âge, c'est la déromanisa- tion de ce monde. L'armée est déromanisée par son recrute- ment, comme la religion est déromanisée par le christianisme, et l'affaiblissement de l'Etat romain, arrêté un moment par l'héroïque remède de Dioclétien, est le résultat automatique de cette double déromanisation. Ajoutons un troisième facteur, plus mystérieux que les deux autres, je veux dire l'oliganthropie dont a péri l'Empire romain comme en avaient péri les cités grecques, avec cette différence que dans les cités grecques c'était une oliganthropie mécanique, causée par les guerres continuel- les, tandis que dans l'Empire romain nous trouvons une sorte d'oliganthropie organique, de maladie complexe du corps social, à la fois physique et morale, mystère singulier dont l'histoire n'arrivera sans doute jamais à donner le diagnostic complet.

Ainsi M. Ferrero, brillant historien de la république romaine, est amené naturellement à traiter l'histoire de l'Empire en y faisant ce qu'on pourrait appeler une coupe républicaine. Son idée générale rappellerait la dernière phrase de la Cité Antique. Rome c'est le Sénat, elle croit avec lui et succombe avec lui'. Cette coupe repose évidemment sur une idée juste, suit une

�� �